À Propos

Partons du principe que ce ne sont plus nous, humains, qui utilisons les machines, mais bien les machines qui nous utilisent. Immergés dans un univers technologique omniprésent, ou le milieu même de notre existence, notre habitat, notre langage, notre nourriture, notre santé, notre nature, sont régis par des machines. Nous sommes d’ores et déjà, et que nous le voulions ou pas, pris au piège.
Il n’y aura pas de fin heureuse, l’histoire démontre que les humains ont toujours fini par utiliser les outils fabriqués, quelles qu’en soient les conséquences. L’anticipation « 1984 » de G. Orwell est devenue notre quotidien, nous avons devant nous un avenir dystopique, fait de bruit, de sang et de fureur, ou l’industrie de l’élevage de poulets en batterie a passé un cran pour s’occuper du monde des humains.
Pour qui a ressenti cette onde de destruction, se pose les questions :
Comment allons nous réagir quand les griffes vont se refermer ?
Comment peut on encore cultiver notre libre arbitre, notre spécificité ?
Les filtres de pensée (aujourd’hui un algorithme de Google hébergé sur une machine à des milliers de Km, prédit de manière plus rapide que nos propres neurones nos suggestions de recherches sur le célèbre moteur de recherche) sont omniprésents. Décoder la réalité est éprouvant, alors même que nous baignons dans une société de l’information.
Mon ambition est donc d’essayer de ne pas me perdre, m’accrocher à une forme de spiritualité, et faire évoluer ma relation au monde en essayant de m’extraire des lucidités toutes faites. Mon travail artistique, en s’opposant à ce constat apocalyptique précédemment décrit, tente de proposer des versions poétiques du chaos des machines qui s’annonce.
Mes recherches tournent en réalité depuis des années autour des technologies de l’analyse numérique du signal. Ces recherches, bien qu’appartenant aux domaines de l’informatique et des sciences de l’ingénieur, peuvent être transposées (ou du moins les questions qu’elles posent) dans le champ artistique :
Qu’est ce qui relie des influx nerveux aux émotions ?
Qu’est ce qui relie la « réalité » à ces influx nerveux ?
Comment interprétons nous ces signaux, comment sont ils cuisinés ?
Quelles sont les outils à disposition aujourd’hui pour « fabriquer de la réalité » ?
Mes créations s’expriment donc depuis un univers de codes et de choses à déchiffrer, en essayant de proposer une combinatoire et une recherche de motifs avec lesquels jouer, où du bruit peut émerger un signe, et où un signe, avec un peu de chance, peut se révéler un symbole.
Une façon de regarder la matrice comme on rêverait devant des nuages.


Pierre Mersadier-Vigroux, 2018